Comment utiliser les TLA?
Dans cette capsule, nous présenterons quelques tips pratiques vous permettant d'utiliser les Tableaux de Langage Assisté ! La plupart des conseils fonctionnent aussi pour l'apprentissage d'un outil de CAA en général. Bonne découverte !
Du côté pratique :
En matière de CAA, le premier principe-clé concerne l'accessibilité. C'est tout simplement le fait qu'un bénéficiaire doit pouvoir accéder à ses systèmes de CAA tout le temps et partout, peu importe le type d'activité, les comportements ou le niveau de maitrisé observé.
​
A sa hauteur, le TLA ne déroge pas à la règle de l'accès. Dans le cas de son utilisation pratique, favoriser l'accessibilité revient :
-
à fournir au bénéficiaire le TLA-cible à chaque fois que l'activité à laquelle il correspond est proposée. Par facilité, nous pouvons laisser le TLA à l'endroit où elle se déroule habituellement. Cet aménagement de l'environnement nous sert également de "rappel" d'utilisation du TLA !
​
-
à positionner le TLA de façon à ce qu'il puisse le voir ET l'atteindre. En tant que partenaire de communication attentif, nous devons faire attention à ne pas monopoliser le tableau, même si le bénéficiaire y prête encore peu d'attention ou ne pointe pas dessus.
​
-
à adapter l'exposition au TLA en fonction des besoins du bénéficiaire (cf. aspects visuels, moteurs,...). Dans certains cas, une présentation sur pupitre ou verticale peut être plus confortable pour le bénéficiaire (plutôt qu'à plat sur la table, par exemple).
​
​
​
Encore plus "pratique" : imprimer & plastifier le TLA le rendront plus robuste dans le temps ! Si vous n'êtes pas équipés ou si vous souhaitez gagner du temps de "bricolage", vous pouvez aussi glisser vos TLA dans des pochettes plastiques réutilisables (ex. celles de Clipco ou C-line sont d'une solidité à toute épreuve et il est possible d'écrire au marqueur effaçable dessus)
​
Mémo: Dans certaines situations, comme lorsque le bénéficiaire se voit proposé un nouvel outil de CAA par exemple, il se peut qu'il ne se comporte pas de la façon "attendue" (ex. il "semble jouer" avec le TLA... de notre point de vue, ne le regarde pas,...). C'est le processus normal de découverte, ce n'est pas un échec ! Nous pourrions être tentés de rediriger à tout prix l'attention du bénéficiaire sur ce que nous lui montrons sur la grille et/ou de mettre hors de sa portée physique le TLA. Ces stratégies doivent être évitées à tout prix, ces dernières entravant l'accessibilité qui nous est si chère et l'introduction d'un outil de CAA dans un climat "zen" pour tous (et donc, motivant !).
Par où commencer: modélisation
Quantité & qualité
modélisez autant que vous pouvez ... pour peu que vous ayez quelque chose à dire ! Il ne faut pas chercher à combler l'espace interactif à tout prix au risque de surcharger notre bénéficiaire.
Sans attendre en retour
Modélisez gratuitement, sans exiger que le bénéficiaire répète ou réponde (en utilisant lui-même le TLA d'emblée, qui plus est !). Pourquoi? Nous ne connaissons pas la "quantité" critique d'input qu'un individu doit recevoir avant qu'il ne s'y mette sur lui-même sur le plan expressif en CAA. Néanmoins, cela peut prendre du temps (pensons déjà aux enfants tout-venant qui prononcent leur premier mot autour d'un an!)
Prenez votre temps !
​
Ralentissez votre débit expressif pour laisser le temps au bénéficiaire de réellement tirer avantage du modèle. Pensez aussi à faire des pauses pour laisser au bénéficiaire l'opportunité d'ajouter sa pièce !
​
En tant que partenaire de communication, plusieurs stratégies s'offrent à nous lors de l'enseignement d'un tableau de langage assisté (et plus largement d'un outil de CAA). Elles sont, pour la plupart, issues des techniques de modélisation du langage parmi lesquelles nous retrouvons les courants suivants :
​
-
Stimulation langagière aidée (Goossens', Crain & Elder, 1992)
-
Système pour le langage amélioré (SLA) (Romski & Sevcik, 1992)
-
Natural aided language (Cafiero, 1998)
-
Modélisation du langage amélioré (MLA) (Drager et al., 2006)
​
Nous ne détaillerons pas ici les différences existant entre ces approches mais plutôt le grand principe qui les réunit: "le bénéficiaire peut apprendre à utiliser des symboles pour communiquer en observant comment un partenaire de communication utilise lui-même les symboles dans un contexte motivant". Plus simplement dit, nous devons fournir un modèle en utilisant nous-même le TLA (et même n'importe quel outil de CAA!).
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
​
Cela fait déjà pas mal de petites choses à activer lorsque nous nous lançons, que ce soit avec le TLA comme proposé dans cette section, ou n'importe quel autre outil de CAA (de préférence le plus linguistiquement robuste possible!). Donnez-vous du temps pour assimiler ces stratégies, soyez indulgents envers vous-mêmes en commençant petit! Modéliser vous permettra doucement de quitter quelques vieilles habitudes peu prolifiques sur le plan communicationnel (ex. tendance à sur-occuper l'espace interactionnel avec un bénéficiaire présentant encore peu ou pas de langage oral, attitude un peu dirigiste lors des échanges,...).
​
​
Pour clôturer ce billet, nous insistons sur trois derniers petits conseils pratiques :
​
​
-
appropriez-vous un maximum le TLA avant de le présenter au bénéficiaire (consultez le à l'avance afin de repérer l'emplacement des symboles, imaginez l'échange porté par l'activité, pensez aux petites phrases permises par la combinaison des mots disponibles dans la grille,...).
​
-
Au cours de l'activité et de la présentation du TLA, prenez des notes afin d'améliorer la construction de vos TLA : Quels mots semblaient manquer sur la grille? Quels symboles ont été pointés le plus souvent? Est-ce que votre pointage suit un ordre logique (ex. gauche à droite) lorsque vous modélisez les mot-clés d'une petite phrase?
​
-
N'hésitez pas à ajouter du FUN à la modélisation : vous pouvez par exemple utiliser des accessoires lorsque vous pointez les symboles sur le TLA : lampe de poche, mini-laser, magic-finger,... en tenant bien évidemment compte de l'âge de votre bénéficiaire (et des éventuelles particularités observées sur le plan sensoriel s'il y en a, bien sûr!). En prime, ces gadgets peuvent servir à accrocher l'attention visuelle du bénéficiaire (et seront plus subtils que les sempiternelles consignes verbales du type "regarde!").
​
​
Pensez-vous à d'autres stratégies? Partagez-les avec nous !
​
Pour aller plus loin:
​
​
Pour celles et ceux qui ont envie d'encore creuser, je propose la fiche suivante :
-
fiche "efficacité de la modélisation" - voir section boite à infos !
​
​
​
​
Sources:
​
- Beukelman, D.R. & Mirenda, P. (2017). Communication Alternative et Améliorée (E. Prudhon et E. Valliet, trad). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur. (Edition originale publiée en 2013).
​
- Binger, C. , & Light, J. (2007). The effect of aided AAC modeling on the expression of multi-symbol messages by preschoolers who use AAC. Augmentative and Alternative Communication, 23, 30–43.
​
- Cafiero, J. M. (2001). The Effect of an Augmentative Communication Intervention on the Communication, Behavior, and Academic Program of an Adolescent with Autism. Focus on Autism and Other Developmental Disabilities, 16(3), 179–189. https://doi.org/10.1177/108835760101600306
​
- Dada, S. , & Alant, E. (2009). The effect of aided language stimulation on vocabulary acquisition in children with little or no functional speech. American Journal of Speech-Language Pathology, 18, 50–64.
​
- Drager, K. D. R. , Postal, V. J. , Carrolus, L. , Castellano, M. , Gagliano, C. , & Glynn, J. (2006). The effect of aided language modeling on symbol comprehension and production in two preschoolers with autism. American Journal of Speech-Language Pathology, 15, 112–125.
​
-Dewart, H & Summers, S (1995) The Pragmatics Profile of Everyday Communication Skills in Children. wwwedit.wmin.ac.uk/psychology/pp/children.htm
​
- Goosens' C., Crain, S., & Elder P. (1992). Communication displays for engineered preschool environments: Books 1 and 2. Solana Beach, CA: Mayer-Johnson.
​
- G. Porter, & M. Cameron, (2007). CHAT-now manual: Children's Aided Language Tools. Australia: Communication Ressource Center - Scope
​
- O'Neill, T., Light, J., & Pope, L. (2018). Effects of Interventions That Include Aided Augmentative and Alternative Communication Input on the Communication of Individuals With Complex Communication Needs: A Meta-Analysis. J Speech Lang Hear Res, 61(7), 1743-1765. doi: 10.1044/2018_JSLHR-L-17-0132.
​
- Romski, MaryAnn & Sevcik, Rose. (2005). Augmentative communication and early intervention: Myths and realities. Infants & Young Children. 18. 174-185.
​
​
​
​
​
C'est ainsi que nous arrivons à la fameuse modélisation. Ce terme (un peu "barbare" et dérivé de l'anglais "modeling") signifie simplement que le partenaire de communication pointe les symboles en même temps qu'il parle devant le bénéficiaire dans un contexte interactif & motivant (Beukelman & Mirenda, 2013).
​
"Montrer comment on fait" vous parait peut-être un peu léger en tant qu'intervention. Il s'agit néanmoins d'une approche ayant déjà démontré son efficacité depuis longtemps du côté de la recherche (voir "boite à infos" prochainement à ce sujet, pour se convaincre!), à condition d'être utilisée en respectant certains ingrédients:
Focus sur les mots clés !
Tenez-vous en aux mots les plus importants lorsque vous pointez les symboles sur le tableau de langage assisté. Ex. Je dis : "on va au supermarché maintenant", je montre par exemple les symboles: "aller - magasin - maintenant".
Adaptez-vous aux besoins!
"Collez" un maximum aux cibles visées et identifiées via l'évaluation des besoins communicationnels réels du bénéficiaire (ex. pointer le symbole "arrêter" quand il veut cesser une activité plutôt que de devoir par exemple fuir/repousser le matériel au sol, parce qu'il s'agit d'une situation challenging actuellement).
Zone proximale de développement:
Vous avez la possibilité d'adapter la longueur de vos productions à celles du bénéficiaire tout en veillant à leur enrichissement. Autrement dit, nous pouvons appliquer la règle du "+1", selon laquelle nous reprenons ce que le bénéficiaire peut exprimer et nous l'allongeons d'un mot ou une information. S'il ne parle pas encore ou n'utilise pas encore l'outil en pointant ne fut-ce qu'un symbole, cela signifie que nous pouvons "modéliser" un mot ou une courte phrase attractive (cela reste du +1...).
Modélisez même si le bénéficiaire ne semble pas attentif à 100% !
​
Le bénéficiaire n'a pas à regarder directement/constamment notre modélisation pour tirer avantage de ses effets. Aussi, nous évitons d'interrompre constamment nos interactions en interpellant notre bénéficiaire ("regarde!").
​
Stratégies gagnantes
Authenticité
​
Adaptez votre niveau de vocabulaire à l'âge du bénéficiaire, modélisez ce qui est typiquement "dit" au quotidien et évitez les situations "testing" (ex. "Où est-ce?" Montre-moi sur le tableau!").
Variez les types de modèles !​
-
parlez de votre point de vue, de ce que vous pensez, êtes en train de faire (= self-talk)
-
parlez du point de vue du bénéficiaire (ce qu'il pourrait être en train de penser, = parallel talk)
-
répétez ce que vient de dire le bénéficiaire en l'allongeant (+1, = expansion) ou en le corrigeant (= reformulation)
​
​